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L’enseignement du professeur documentaliste est actuellement fondé sur les sciences de l’information et de la communication. Par ce blog, je voudrais participer à la fondation de notre enseignement sur les sciences de la culture.

Comme point de départ, il y a le constat que les documents de nos médiathèques d’établissement, présents physiquement (papier) ou dématérialisés (numérique), n’ont de raison d’être dans notre enseignement que pour l’acquisition de compétences et savoirs informationnels. Alors se pose la question des contenus: quelle place prenons-nous face à ces objets culturels, porteurs de sens susceptibles de constituer des savoirs? Est-il acceptable que nous proposions une formation à l’information, aux accents méthodologiques, inattentive aux contenus documentaires? Les compétences et savoirs procéduraux en information-documentation ne pourraient-ils pas être l’affaire de toutes les disciplines? N’est-il pas prioritaire de confronter les élèves aux contenus culturels, par la critique notamment ou l’interprétation? N’est-il pas urgent de contrer l’idéologie techniciste du learning centre, et son avatar le Centre de Connaissances et de Culture (3C), par une approche nouvelle des savoirs et des contenus? Aborder les savoirs sous l’angle de la culture, c’est proposer une approche singulière, distincte des programmes disciplinaires et des sciences de l’information.

Que vise-t-on? Un retour au sens des documents par l’enseignement de la culture. Enseigner la culture (à distinguer de l’enseignement de la culture générale) -sa polysémie, ses domaines, ses interactions, ses manifestations, ses histoires et ses évolutions, ses apports, sa transmission, etc.- aux élèves, dans un cadre pluridisciplinaire empruntant aux sciences de la culture, et aborder le document par les sciences de la culture. Celles-ci offrent alors une assise théorique permettant de définir notre champ d’action pédagogique.

Qu’appelle-t-on sciences de la culture? Écoutons François Rastier: « […] les sciences humaines et sociales font l’objet de demandes pressantes concernant le sens, et nouent des liens nouveaux avec les sciences de la vie, la paléontologie, l’éthologie, la génétique des populations, pour éclairer la genèse de l’espèce humaine, des cultures, des ethnies, des individus. Les réflexions sur le développement du langage et des autres systèmes de signes prennent un nouvel essor. Tout cela dessine le contour d’un nouveau continent scientifique, celui des sciences de la culture. »¹

Mais à l’instar des sciences de l’information, issues de la pluridisciplinarité, constituées récemment relativement aux disciplines traditionnelles jusqu’à devenir en 1975 la 71ème section du CNU (Conseil national des universités), les sciences de la culture sont encore aujourd’hui en quête d’identité. Des questions demeurent: les Sciences de la Culture sont-elles la traduction des cultural studies (approches non académiques des cultures), voire des Kulturwissenschaften? Pourquoi tentent-elles de fédérer autour du concept de culture les sciences humaines et sociales? Quels liens et frontières entre « études culturelles » (cultural studies), culturologie et sciences de la culture? Quelle méthodologie (herméneutique, critique) pour les sciences de la culture? Quel liant pour ces sciences (une sémiotique des cultures, une philosophie de la culture)? Quels contenus? etc. Les contributions sur ce blog seront l’occasion d’y voir un peu plus clair et de cerner le champ qui nous est propre. N’hésitez pas à proposer vos contributions.

« Le père fondateur [Paul Otlet] de la bibliographie, qui entendait inventer un système permettant la mutualisation et le partage des fruits du génie humain, verrait aujourd’hui son rêve transformé en un système de sélection, et son utopie réduite à un knowledge mapping, résultat d’un agglomérat sans âme de critères, de recoupement de grilles et de faisceau d’indices. »

Barbéris Isabelle, Le cauchemar de Paul Otlet, Cités, 2009/1 n° 37, p. 9-11.